Actifs liquides : Rencontrer les acteurs qui façonnent la gestion durable de l’eau dans l’industrie

De Walt Kozlowski
Directeur principal des solutions de développement durable pour les clients, chez Xylem

Les effets grandissants du changement climatique, le vieillissement des infrastructures et la croissance démographique mettent en évidence les problèmes liés à l’eau dans le monde. Lorsqu’’il s’agit de comparer l’offre à la demande, il n’y a tout simplement pas assez d’eau pour tout le monde. Le problème est si grave que des rapports récents suggèrent que la demande mondiale d’eau douce pourrait dépasser l’offre de 56 % au cours des cinq prochaines années.

Cela représente un défi important pour les industries à forte consommation d’eau. Disposer de la bonne quantité d’eau, de la qualité adéquate et au bon moment est essentiel à la continuité de l’activité, mais la gestion durable de l’eau n’a jamais été aussi complexe. La fluctuation de l’offre peut mettre en péril les chaînes d’approvisionnement, et de nouveaux contaminants compliquent l’utilisation et le rejet de l’eau.

En clair, l’eau n’est plus un bien que nous pouvons nous permettre de considérer comme acquis. Le changement climatique a transformé le profil de risque de cette ressource essentielle, soulignant le besoin urgent pour les entreprises de développer une voie plus résiliente et durable.

Parallèlement, le vieillissement de la main-d’œuvre dans le secteur de l’eau a un impact considérable sur les entreprises. En effet, une vague de départs à la retraite crée des problèmes liés aux connaissances de l’environnement de travail et aux compétences spécialisées.

Bien que ces défis soient considérables, ils ne sont pas insurmontables. Les entreprises se mobilisent.

Partout dans le monde, les industries montrent que les technologies numériques, les solutions de traitement avancées et les nouveaux modèles commerciaux peuvent permettre de relever le défi croissant de la pénurie, de la qualité et de l’accessibilité financière de l’eau, tout en permettant aux communautés et aux économies de renforcer la sécurité de l’approvisionnement en eau. Les entreprises surmontent également les problèmes de capacité de la main-d’œuvre en faisant appel à des fournisseurs de services pour la fourniture d’équipements ainsi que l’exploitation et la maintenance des systèmes. Cela permet aux exploitants d’usines de se concentrer sur leur cœur de métier.

Les programmes de gestion de l’eau dans les secteurs de la microélectronique, de l’industrie pharmaceutique, de l’agroalimentaire prouvent qu’avec les bonnes approches, les entreprises peuvent minimiser les risques et maximiser la croissance pour un avenir plus durable.

Microélectronique – Gestion précise de l’eau

Quel que soit le scénario climatique – du statu quo au plus pessimiste – la fabrication de semi-conducteurs sera probablement confrontée à des facteurs de risque liés à l’eau. De nombreuses usines sont situées dans des zones de stress hydrique. Alors que les États-Unis et l’Europe augmentent leur production de puces, les usines de semi-conducteurs doivent s’assurer un approvisionnement en eau pour répondre à la demande croissante.

La fabrication de semi-conducteurs et de composants électroniques est très gourmande en eau. L’eau ultra-pure (UPW) est essentielle pour le rinçage et le nettoyage des plaquettes de silicium pendant la fabrication. La production d’eau ultra-pure nécessite d’importantes quantités d’eau et d’énergie, tandis que les eaux usées issues des processus de fabrication contiennent des polluants, tels que des métaux lourds, qui doivent être traités pour atteindre des niveaux sans danger pour l’environnement.

L’industrie microélectronique adopte des technologies avancées de traitement et de recyclage de l’eau, notamment l’osmose inverse et la filtration par membrane, afin de produire de l’eau ultra-pure sans dépendre des sources municipales.

Les systèmes de récupération de l’eau qui s’appuient sur le numérique peuvent également optimiser le traitement et la réutilisation des eaux usées, ce qui minimise l’impact sur l’environnement.

Par exemple, Silfex, une société de Lam Research et l’un des plus importants fournisseurs de composants de précision pour la fabrication de semi-conducteurs, a mis en œuvre avec succès un système qui récupère jusqu’à 80 % des eaux usées des salles blanches. La solution a été si efficace que l’entreprise a économisé des millions de litres d’eau par an, réduit ses coûts d’exploitation et évité des interruptions de production.

Produits pharmaceutiques – Garantir la qualité et la conformité

Alors que l’évolution pharma 4.0 accélère la mise à disposition de nouveaux médicaments et de technologies médicales pour les patients grâce à des solutions numériques et automatisées avancées, l’industrie adopte une approche tout aussi agile, innovante et personnalisée de la gestion de l’eau.

L’industrie pharmaceutique dépend fortement de l’eau pour la recherche et les essais, la formulation des médicaments, les réactions chimiques, le nettoyage des équipements et la stérilisation. La qualité de l’eau est cruciale, car une eau de mauvaise qualité peut compromettre la sécurité et l’efficacité des produits. Les eaux usées pharmaceutiques contiennent souvent des ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA) et d’autres produits chimiques qui exigent des traitements spécifiques pour éviter la contamination de l’environnement.

Grâce à une combinaison de capteurs, d’analyse de données et d’IA pour surveiller et gérer la qualité et l’utilisation de l’eau, les entreprises pharmaceutiques sont en train de transformer la gestion de l’eau pour en garantir la qualité et la conformité.

Des méthodes de traitement avancées, telles que les processus biologiques, l’oxydation avancée et la filtration par membrane, sont en outre employées pour traiter la composition complexe des eaux usées pharmaceutiques.

Par ailleurs, l’analyse prédictive permet aux opérateurs du secteur de l’eau d’anticiper et de prévenir les défaillances du système. Ces technologies permettent aux entreprises pharmaceutiques de respecter la réglementation, de réduire les interruptions de production et d’optimiser l’utilisation de l’eau, en particulier pendant les phases de transformation, lorsque les processus se déroulent à un rythme effréné.

Grâce à la technologie numérique, le secteur peut réaliser des économies décisives, renforcer son efficacité opérationnelle et améliorer son empreinte environnementale en adoptant des pratiques de gestion durable de l’eau. En déployant un système intelligent de gestion de l’eau qui combine des produits connectés et une surveillance à distance, une grande entreprise de MedTech a considérablement réduit son risque de mise en arrêt.

Grâce à un meilleur contrôle de la température et des niveaux d’ozone, la société a constaté une diminution du nombre de déclenchements d’alarmes de 99 %, tandis que le temps de production a augmenté de près de 100 %.

Agroalimentaire – De déchets à ressources

En tant qu’industrie dépendante de l’eau, le secteur de l’agroalimentaire prend des mesures importantes pour adopter des pratiques durables. Les leaders de l’industrie se fixent des objectifs ambitieux en matière de préservation de l’eau et mettent en œuvre des technologies de traitement avancées pour se conformer à la réglementation et améliorer la récupération des ressources. Le secteur est également confronté au défi des eaux usées organiques à forte concentration qui nécessitent un traitement poussé.

Un rapport récent de Bluefield Research a révélé qu’en raison de l’importance accrue accordée au développement durable, le secteur pourrait investir plus de 112 milliards de dollars (environ 106 milliards d’euros) dans la gestion de l’eau et des eaux usées d’ici à 2030. Ce regain d’intérêt pour la gérance des entreprises peut constituer un avantage concurrentiel, en particulier pour les marques grand public, pour qui la perception du consommateur est essentielle pour lui inspirer de la confiance.

Dans tout le secteur de l’agroalimentaire, des systèmes de traitement avancés, tels que la digestion anaérobie et les processus aérobies, sont adoptés pour traiter les eaux usées organiques à forte concentration.

La digestion anaérobie convertit les déchets organiques en biogaz utilisable pour la production d’énergie renouvelable, tandis que le traitement aérobie purifie les effluents en vue de leur rejet ou de leur réutilisation.

Les entreprises du secteur agroalimentaire peuvent réaliser d’importantes économies en traitant et en réutilisant les eaux usées, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en améliorant leur image en matière de développement durable. En Argentine, par exemple, le leader mondial de la levure et de la boulangerie AB Mauri utilise un réacteur anaérobie et un système de récupération du biogaz afin de traiter les effluents et de produire de la vapeur.

Ce système a permis à AB Mauri de respecter les normes environnementales en réduisant la charge organique de ses eaux usées, en économisant sur les coûts d’exploitation et en réduisant de manière significative son empreinte carbone.