Eau, climat et collaboration : Relever les défis mondiaux au-delà de la COP28
Alexis de Kerchove, Directeur senior, Développement durable chez Xylem.
Des inondations sans précédent frappent la Somalie, tandis qu'une sécheresse record persiste en Amazonie. L'État américain de Géorgie déclare une catastrophe en raison du manque de précipitations, tandis qu'en Allemagne, certaines parties du Rhin restent fermées à la navigation en raison de fortes pluies. Tout cela dans les semaines précédant la COP28.
Alors que nous arrivons à mi-parcours de l'Accord de Paris qui a ouvert la voie à l'action climatique mondiale, nos communautés et nos économies ne peuvent échapper à la réalité : nous ne sommes pas sur la bonne voie. Les températures moyennes mondiales étant déjà supérieures de 1,8 °C aux niveaux préindustriels, les projections futures sont sombres..
L'eau est le vecteur des conséquences les plus lourdes du réchauffement climatique.
Jour après jour, les gestionnaires de l'eau sont confrontés à une variabilité croissante de la ressource alors qu'ils s'efforcent de bâtir des communautés ayant accès à l'eau salubre. Chaque sécheresse et chaque inondation ont des effets dévastateurs sur la vie humaine. Les problèmes liés à l'eau s'intensifieront à mesure que le changement climatique s'intensifiera.
L'innovation et l'investissement dans les mesures d'adaptation sont sans aucun doute nécessaires pour construire des systèmes d'eau résilients. Le danger est que nous développions une vision étroite de ce seul objectif et que nous perdions l'élan qui permet au secteur de l'eau d'atténuer le changement climatique.
Les systèmes d'eau potable et d'eaux usées contribuent fortement aux émissions de gaz à effet de serre (GES), puisqu'ils représentent environ 2 % des émissions mondiales de GES.
Nous pouvons changer cela. Les études menées par Xylem et ses partenaires montrent que les services d'eau et d'assainissement pourraient réduire considérablement leurs émissions opérationnelles en diminuant leur consommation d'électricité, en mesurant et en atténuant les émissions de GES liées aux process à l'aide des technologies à hautes performances déjà existantes, et en limitant les émissions de la chaîne de valeur en donnant la priorité aux fournisseurs qui partagent les mêmes objectifs de «zéro émission nette».
Sans mesures d'atténuation, à un moment ou à un autre dans un avenir pas si lointain, nous ne pourrons plus nous adapter. C'est pourquoi les conférences mondiales telles que la COP28 sont si importantes. Elles sont l'occasion de discussions franches, intersectorielles et transfrontalières sur les prochaines étapes cruciales à franchir pour rectifier le tir.
Le dialogue qui aura lieu au Pavillon de l'eau dans les semaines à venir est l'occasion de se recentrer collectivement sur le défi à relever : la feuille de route du secteur de l'eau pour atténuer les effets du changement climatique et s'y adapter.
Trouver une cause commune
Notre climat ne se soucie guère de nos frontières. Nos bassins hydrographiques ne reconnaissent pas les frontières artificielles créées par l'Homme. Nous ne pouvons pas nous permettre de persister dans une approche du changement climatique qui privilégie les perspectives individuelles et qui se concentre sur les préoccupations immédiates et locales.
Les services des eaux peuvent progresser en se fixant des objectifs de zéro émission nette, les gouvernements peuvent élaborer des protocoles d'intervention en cas d'urgence et les entreprises peuvent chercher des moyens de renforcer leurs ressources, mais une approche cloisonnée de la modernisation de l'infrastructure de l'eau nous ralentit.
Aucun secteur, aucune communauté, aucun gouvernement ne peut à elle seule ou à lui seul résoudre les problèmes liés à l'eau. Pour progresser et pour moderniser les systèmes d'eau du monde entier afin qu'ils soient plus résilients et plus efficaces ou qu'ils émettent moins de carbone, nous avons besoin d'une large coalition de services publics, d'entreprises et de gouvernements pour s'attaquer au problème.
Aujourd'hui, il nous reste un budget carbone mondial estimé à 400 GtCO2 si nous voulons avoir une chance sur deux de limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 °C. Nous épuisons ce budget beaucoup trop rapidement : une étude publiée dans Scientific American montre que l'Europe, la Russie et les États-Unis ont déjà dépassé leur budget.
Bien qu'il reste des obstacles importants à surmonter, la COP28 est un forum puissant pour mettre en lumière les initiatives innovantes qui sont déjà en cours dans le monde entier et pour les développer.
Par exemple, le Parlement européen est en train de mettre en place un ambitieux “Blue Deal” qui compléterait les objectifs du Green Deal européen grâce à la gestion durable de la ressource en eau, tout en favorisant une économie circulaire et en atteignant les objectifs de décarbonation. L'approche globale en matière de décarbonation et de prise en compte du changement climatique dans le domaine de l'eau pourrait constituer un modèle sectoriel pour assurer des mesures d'atténuation et d'adaptation, mais elle doit aller plus loin que l'Europe.
De manière plus générale, nous avons la possibilité d'accélérer les progrès en veillant à ce que nos réussites et nos échecs dans l'hémisphère Nord contribuent à la modernisation de l'infrastructure de l'eau dans l'hémisphère Sud.
En faisant tomber les silos, en partageant les meilleures pratiques et en élaborant des solutions collectives et holistiques, nous pouvons aider les pays en développement à sauter le pas vers des systèmes plus résilients et durables.
Nous devons repenser la gestion de l'eau. Par exemple, le traitement conventionnel par boues activées peut dépolluer l'eau, mais il ne protège pas l'environnement. Au contraire, il libère de l'oxyde nitreux, dont le potentiel de réchauffement global est 300 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, qui a un impact lent et néfaste sur l'atmosphère.
Responsabilité individuelle, action collective
Le secteur privé fait partie intégrante de cette action collective - et nous devons poursuivre l'effort.
Les entreprises et les experts dans leurs domaines respectifs ont la responsabilité de conseiller et d'accélérer le changement dans l'ensemble de leur chaîne de valeur, en particulier auprès des fournisseurs, des clients et des gouvernements. Nous devons partager nos connaissances, collaborer à l'élaboration de stratégies et développer des solutions innovantes pour combler les lacunes technologiques, opérationnelles et commerciales qui limitent les progrès de nos secteurs en matière d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. Des événements comme la COP28 sont une nouvelle occasion de nous mettre autour de la table en nous montrant ouverts à la collaboration et aux partenariats créatifs qui peuvent proposer des solutions pragmatiques à la fois pour atténuer le changement climatique et pour s'y adapter.
Ces solutions doivent être soutenues par des financements afin de générer la transformation nécessaire. Alors que l'eau est une composante essentielle de l'action climatique, elle reçoit moins de 3 % de l'ensemble des financements destinés à la lutte contre le changement climatique.
Les décideurs politiques ont la possibilité d'accélérer les progrès en élaborant des programmes de financement qui ne se contentent pas de soutenir les réductions d'émissions ou d'assurer l'approvisionnement local. Pour bâtir des communautés durables, nous devons mettre en place une économie circulaire qui élimine le carbone ou le séquestre et réutilise l'eau en même temps que l'énergie et les nutriments récupérés dans le cycle de l'eau.
Chez Xylem, notre rôle consiste également à intervenir en qualité d'allié de confiance auprès des collectivités et des entreprises dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
Nos clients sont nos principaux partenaires pour relever les défis mondiaux liés à l'eau, et nous nous engageons à investir dans des technologies innovantes qui peuvent renforcer les mesures d'atténuation et d'adaptation.
De l'innovation territoriale à l'impact mondial
Nous avons de réelles raisons d'être optimistes concernant le travail que nos clients du secteur public et du secteur industriel accomplissent sur le terrain. Des approches novatrices ouvrent déjà la voie vers le net zéro et, grâce à une collaboration et à une innovation permanentes, l'industrie peut aller plus loin et plus vite.
Pour faire le point sur la situation actuelle du secteur dans le cadre de l'objectif zéro, nous nous sommes entretenus avec des gestionnaires ayant une approche novatrice, au nord comme au sud, pour discuter de la manière dont ils abordent l'action en faveur du climat.
Chaque contributeur illustre les avantages d'une approche large et ambitieuse qui ne se limite pas au carbone ou à l'adaptation. Qu'il s'agisse de lutter contre les émissions liées aux procédés de traitement des eaux usées ou de gérer le lien entre l'eau et l'énergie à l'aide d'énergies renouvelables, leurs efforts tracent la voie vers un avenir plus durable.
Ces efforts doivent être complétés par une action concertée et cohérente à l'échelle nationale et internationale.
En agissant ensemble, nous pouvons nous adapter à l'évolution du climat tout en nous remettant sur la bonne voie pour éviter les pires conséquences du réchauffement de la planète.
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