Le choc eau-énergie

Le choc eau-énergie

Aux États-Unis, les centrales électriques consomment 41 % de l’eau douce du pays. D’ailleurs cette utilisation de l’eau est la première, devant l’agriculture (37 %) et l’eau potable (13 %), d’après l’organisation Union of Concerned Scientists. Avec l’augmentation de la consommation d’énergie et l’épuisement des ressources en eau, les collectivités sont déjà confrontées à ce que l’on pourrait appeler des « chocs eau-énergie ». Une approche intégrée, associée à de nouvelles technologies économes en énergie, pourrait résoudre une partie du problème.

Le lien entre eau et énergie est simple : il n’y a pas d’énergie sans eau et pas de transport ou de traitement de l’eau sans énergie. Étant données les quantités d’eau et d’énergie concernées, la situation est de plus en plus complexe et coûteuse. Ainsi, une minute de refroidissement des centrales électriques américaines nécessite une quantité d’eau égale à trois fois celle débitée en une minute par les chutes du Niagara, soit trois fois 168 000 m3.

L’Europe est confrontée aux mêmes difficultés. D’après l’Agence européenne pour l’environnement, 37 % du captage d’eau douce en Europe sert au refroidissement dans la production d’énergie. De plus, l’Allemagne, la France et la Pologne utilisent plus de la moitié de l’eau prélevée pour produire de l’énergie. Ces pourcentages élevés inquiètent car 19,5 % des Européens vivent dans des pays en situation de stress hydrique selon l’estimation de l’Agence.

Des consommations élevées d’énergie et d’eau douce peuvent conduire à ce que l’Union of Concerned Scientists nomme des « chocs eau-énergie ». Par exemple, dans certaines régions des États-Unis touchées par la sécheresse, des centrales électriques ont été contraintes de réduire leur production à cause d’une pénurie d’eau.

Le transport et le traitement de leau nécessitent de l’énergie

La quantité d’énergie nécessaire au traitement et au transport de l’eau est également considérable : elle représente environ 20 % de la consommation énergétique d’une ville. De même, une étude de la California Energy Commission, datant de 2005, a conclu que 19 % de la consommation électrique de la Californie était liée à l’eau et notamment à son transport, au traitement des eaux usées, et à son utilisation pour des applications agricoles, domestiques et industrielles.

Certes, la quantité d’énergie nécessaire au traitement et au transport de l’eau est élevée, mais les infrastructures défaillantes entraînent également des gaspillages importants. Ainsi, de nombreuses villes américaines perdent entre 30 % et 50 % de l’eau potable traitée à cause de systèmes et d’infrastructures vieillissants et inefficaces.

Coûts énergétiques du traitement des eaux usées

Le traitement des eaux usées est l’un des secteurs où le potentiel de réduction de la consommation énergétique est important. En effet, d’après la California Energy Commission, principal organisme de réglementation et de planification énergétique de l’État, l’énergie constitue le coût le plus facilement maîtrisable pour la distribution d’eau et le traitement des eaux usées.

Le projet Energy-Water Connnection de la commission précise : « la plupart des installations ont été conçues et construites lorsque les coûts énergétiques n’étaient pas une préoccupation d’actualité. Si vous n’avez pas effectué d’études approfondies sur les possibilités d’utilisation des technologies modernes, vous perdez sans doute beaucoup d’argent sans même le savoir. »

Ainsi, une importante quantité d’électricité est consommée par le processus de traitement biologique des eaux usées pour lequel on utilise l’aération plutôt que des produits chimiques. Parfois, l’injection d’air dans l’eau peut représenter jusqu’à 60 % de la consommation d’une station d’épuration.

« Au cours des cinq dernières années, le rendement de la plupart des stations de traitement d’eaux usées est resté stable alors que les coûts énergétiques ont doublé, explique Johan Grön, responsable du développement technologique chez Xylem. Au cours des dix prochaines années, il est fort probable que le prix de l’électricité continue de grimper. Repenser le lien entre eau et énergie sous l’angle de l’aménagement urbain serait économiquement avantageux. » 

Investir dans des solutions nouvelles

Même si beaucoup de villes sont conscientes qu’une modernisation des infrastructures et une réduction des coûts d’énergie sont nécessaires, certaines hésitent à essayer des solutions et des technologies nouvelles.

« Même si la plupart des communes admettent qu’il est judicieux d’investir, nombreuses sont celles qui pensent que l’on ne dispose pas de suffisamment de données fiables prouvant que ces investissements sur le plan énergétique seront rentables à long terme, précise Johan Grön. Elles sont également peu disposées à utiliser de nouvelles technologies, c’est pourquoi nous devons adopter une approche différente pour les mettre en œuvre. L’industrialisation et les tests de validation de ces technologies sont alors d’autant plus importants pour garantir leur fiabilité. »

Parce que Xylem tient à valider et tester ses systèmes, la société a récemment participé à un projet de réhabilitation de la station de traitement d’eaux usées de Sternö à Karlshamn, en Suède. Son système d’aération représentait 44 % de la consommation énergétique totale de la station. En installant un système de commande et en remplaçant les diffuseurs tube par des diffuseurs fines bulles à disque et les surpresseurs à lobes par des surpresseurs à vis plus performants énergétiquement, la consommation énergétique de la station a été réduite de 13%, ce qui représente des économies considérables. Le retour sur investissement est estimé à quatre ans.

« La situation évolue, explique Johan Grön. Les municipalités ont désormais connaissance des coûts d’approvisionnement en eau et prennent conscience des possibilités de modernisation qui s’offrent à elles. »

Une gestion responsable de l’eau et de l’énergie pour l’avenir

La mise en œuvre de  technologies plus efficaces constituera un élément essentiel dans la résolution des problèmes eau énergie. C’est ce que précise un rapport de l’initiative Energy and Water in a Warming World. Le document publié en 2011 intitulé Freshwater Use by U.S. Power Plants (Consommation d’eau douce des centrales électriques aux États-Unis) indique que « les fabricants et les services publics réduisent le risque de choc eau-énergie en choisissant des technologies qui ne nécessitent quasiment pas d’eau, par exemple l’énergie éolienne ou photovoltaïque, et en investissant dans des systèmes moins gourmands. »

Ainsi, l’Ivanpah Solar Electric Generating System, un complexe de production électrique solaire de 370 MW construit dans le désert de Mojave, en Californie, utilise une technologie réfrigérante sèche qui consomme 90 % d’eau en moins par unité d’électricité produite comparée aux centrales du même type équipées de systèmes réfrigérants humides. À Amarillo, au Texas, une autre installation a résolu son problème de pénurie d’eau en utilisant pour le refroidissement des eaux usées traitées.

Pour Peter Frumhoff, qui dirige le comité consultatif scientifique du rapport, « chaque fois que nous construisons une centrale, nous prenons des décisions qui ont des répercussions pendant des années. En investissant dans des centrales électriques efficaces, équipées de systèmes de refroidissement consommant peu d’eau et émettant peu ou pas de dioxyde de carbone, les services publics et les exploitants de ses sites participent à la protection des ressources en eau de nos enfants et de nos petits-enfants. »

avant le Alannah Eames