Un filtre à eau durable créé à partir de déchets alimentaires

Un filtre à eau durable créé à partir de déchets alimentaires

Les lauréats du Stockholm Junior Water Prize 2018 ont mis au point une méthode plus durable pour produire un matériau utilisé dans les filtres à eau. À partir de peau de durian et de déchets de cannes à sucre, Caleb Liow Jia Le (à gauche sur la photo), Johnny Xiao Hong Yu (à droite) et Ho Shane ont découvert un moyen plus sûr de créer de l’oxyde de graphène réduit. Découvrez comment.

Les trois élèves âgés de 16 ans, en quatrième année d’école secondaire à Singapour, ont remporté le prix grâce à leur projet : « une synthèse innovante et écologique de l’oxyde de graphène réduit (rGO) à partir de peau de durian et de bagasse de cannes à sucre pour les filtres à eau. »

Pouvez-vous nous parler de votre projet ?

Caleb : Pour ce projet, nous avons utilisé deux types de déchets alimentaires très fréquents à Singapour. Le durian est un fruit couvert d’épines. La partie jaune du fruit se mange et l’enveloppe est jetée. Nous avons donc utilisé cette partie. Nous avons également employé la bagasse, c’est-à-dire les résidus fibreux de la canne à sucre, ce qu’il reste une fois le jus pressé. Nous avons transformé ces déchets en un matériau appelé oxyde de graphène réduit.

Johnny : L’oxyde de graphène réduit peut éliminer les métaux lourds tels que le fer et les pigments organiques de l’eau. Il peut être utilisé dans les filtres à eau pour purifier la ressource.

Young inventors use food waste to create sustainable water filter1.jpg

Où avez-vous trouvé l’inspiration pour ce projet ?

Caleb : Nous produisons de nombreux types de déchets, qu’il s’agisse de déchets électroniques, plastiques ou alimentaires. Je voulais essayer de transformer ces déchets qui sont normalement jetés en un matériau potentiellement utile pour aider la communauté et améliorer la vie de la population.

Johnny : Je m’intéresse beaucoup à la chimie et à la manière dont elle peut résoudre des problèmes concrets. Dans ce cas, il s’agit de créer des produits chimiques qui peuvent répondre aux préoccupations de la communauté.

Comment fabrique-t-on de l’oxyde de graphène réduit habituellement ?

Johnny : Actuellement, on utilise des produits chimiques dans un procédé appelé la méthode de Hummers, élaborée en 1958. Cette méthode très complexe fait appel à différents produits chimiques et composés toxiques, alors que notre processus n’utilise que des déchets alimentaires.

L’oxyde de graphène réduit est-il très employé ?

Caleb : L’oxyde de graphène réduit est un matériau très polyvalent. Il est très utilisé dans l’électronique pour sa conductivité. En raison de sa structure similaire à celle du graphène, il conduit très bien l’électricité. Mais il est aussi progressivement adopté dans le domaine de la purification de l’eau, car il présente les propriétés adéquates.

Avez-vous réellement créé un filtre à eau à partir de ce matériau ?

Johnny : Oui, nous avons créé deux types de filtres différents. L’oxyde de graphène réduit est une poudre noire semblable au charbon actif. Nous avons enduit une membrane d’esters de cellulose mélangées de cette poudre afin qu’elle serve de filtre. Le deuxième type de filtre que nous avons créé est un filtre colonne plus classique : nous avons inséré la poudre d’oxyde de graphène réduit dans une colonne. Les deux types de filtres sont parvenus à filtrer plus de 95 % des métaux (fers) lourds et des pigments organiques, un chiffre comparable à celui obtenu avec le charbon actif.

Serait-il possible d’utiliser n’importe quel type de déchet organique pour ce procédé ?

Caleb : La peau de durian et la bagasse de cannes à sucre contiennent toutes les deux beaucoup de cellulose, c’est pourquoi ils sont adaptés à notre procédé de synthèse. Avec notre méthode, pour synthétiser l’oxyde de graphène, nous avons carbonisé et oxydé la cellulose dans un four, et nous avons ajouté un réducteur pour créer l’oxyde de graphène réduit. D’autres fruits contenant de la cellulose pourraient donc être transformés de la même manière. Cela reste à étudier.

Quels problèmes liés à l’eau rencontrez-vous à Singapour ?

Johnny : Il existe quatre grandes sources d’eau à Singapour : les bassins de captage tels que les réservoirs, le dessalement puisque nous sommes entourés par la mer, NEWater, notre eau recyclée, et l’eau importée que nous achetons à nos voisins.

Actuellement, Singapour reste très dépendante de l’importation d’eau. Le problème principal est de trouver des moyens d’augmenter notre autonomie. Cela implique par exemple de réduire le coût du dessalement, de recycler l’eau et de trouver de nouvelles méthodes pour obtenir de l’eau douce. Notre projet s’inscrit dans le domaine du traitement et du recyclage de l’eau.

L’eau étant une ressource limitée à Singapour, pensez-vous que la population y fait plus attention ?

Johnny : L’eau n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur, puisqu’il suffit d’ouvrir le robinet et de boire. Toutefois, récemment, les taxes sur l’eau ont été augmentées. Cela a permis de sensibiliser tout le monde à la situation concernant l’eau.

Caleb : Les taxes sur l’eau n’avaient pas augmenté depuis longtemps, et tout le monde s’est demandé pourquoi cette décision avait été prise.

Est-ce que beaucoup d’habitants de Singapour connaissent le programme de recyclage de l’eau NEWater ?

Johnny : Oui, lorsque vous recyclez de l’eau, vous devez sensibiliser la population. Les gens savent que ce sont des eaux usées, alors il faut fournir beaucoup d’efforts pour les convaincre.

Caleb : À l’école élémentaire, entre l’âge de 7 et 12 ans environ, presque tous les élèves font une sortie scolaire à l’usine NEWater. Cela permet aux jeunes générations de s’intéresser davantage aux problèmes liés à l’eau.

À propos du Stockholm Junior Water Prize

Le prix est attribué par le Stockholm International Water Institute et parrainé par Xylem. En savoir plus sur le prix et les finalistes 2018.

Félicitations aux lauréats de cette année !

avant le Chad Henderson